Sur la scène de l’opéra, voilà un de ces plateaux de rêve pour une exploration du baroque français, Rameau et Charpentier, comme on l’aime. « Princesse, c’est sur vous que mon espoir se fonde » chante Médée.
Ici, chez Rameau (Jean-Philippe), les suites instrumentales des tragédies-lyriques qui ont fait sa notoriété et notre bonheur, Hippolyte et Aricie, Dardanus, Castor et Pollux, les Indes galantes. Menuets, gavottes et chaconnes à tous les étages. Là, chez Charpentier (Marc-Antoine), les déchirements de Médée – honorable mère de famille trahie qui imagine une effroyable vengeance – « il aime ses enfants/ne les épargnons pas ». Séquence la plus forte, la plus prenante de ce magnifique programme concocté par deux ci-devants belles héroïnes, Magdalena Kozena, Emmanuelle Haïm.
Sous la direction tonique de la chef française, la mezzo tchèque emballe son monde : timbre, inflexions, grâce. Elle est l’une des stars règnant aujourd’hui sur les scènes internationales. Rendons mille grâces à l’opéra de Lille de nous permettre de l’écouter (et peu importe si le Concert d’Astrée a pu paraître mercredi soir un peu désordonné : les pulsations, les couleurs, la dynamique qui sont ses lettres de noblesse sont toujours au rendez-vous). Deux bis pour finir avec Marin Marais et Haendel. Au premier balcon, un auditeur attentif, venu en toute discrétion mais reconnu par plus d’un fidèle : Sir Simon Rattle, l’un des plus grands chefs au monde, charismatique patron du très prestigieux Berliner Philharmoniker, futur directeur du non moins prestigieux London Symphony Orchestra (à partir de septembre 2017), venu écouter et applaudir la soliste, son épouse.
© Jean-Marie Duhamel